L'auto-critique est une force grâce à l'auto-compassion
Estime de soi

Comment transformer l’auto-critique en force?

Imaginez la situation suivante : vous venez de terminer vos études et vous devez faire une présentation orale devant plusieurs professeurs. Vous avez donné votre maximum pour réaliser ce travail et vous avez préparé au mieux cette présentation. Bref, vous vous êtes beaucoup investis pour finaliser vos études. C’est avec la boule au ventre et l’estomac noué que vous vous rendez à votre défense. Le début de votre présentation se déroule à merveille malgré votre bouche sèche qui laisse transparaitre votre niveau d’anxiété. Après la présentation vient le moment de vous poser des questions. Et là, c’est la catastrophe : vous ne savez pas répondre, vous ne comprenez pas ce que l’on vous demande et vous avez l’impression que c’est le blanc dans votre esprit! Vous cherchez vos mots et vous sortez quelques éléments de réponse en essayant de ne pas bégayer. Vous parvenez à vous débrouiller pour les questions suivantes. Votre calvaire se termine enfin lorsque l’on vous signifie que votre défense est finie.

Nous avons peut-être déjà tous rencontré une situation similaire au cours de notre vie, que ce soit lors d’un examen, d’une présentation devant plusieurs personnes ou lors d’un entretien d’embauche. Il est tout à fait légitime que ce genre de situation inconfortable suscite des émotions négatives. La question à se poser est : Comment avez-vous réagit avec vous-même une fois la situation passée? Avez-vous eu un discours plutôt auto-critique ou avez-vous été plutôt bienveillant?

Qu’est-ce que l’autocritique?

L’auto-critique consiste à identifier ses points faibles, ses difficultés ou encore les comportements qui pourraient être délétères pour sa santé, ses relations ou son évolution. Nous pouvons par exemple critiquer la manière dont nous nous sommes comportés avec notre conjoint, un ami ou un collègue. Nous pouvons également blâmer la manière dont nous prenons soin de nous-même et de notre santé si nous ne tenons pas compte des signes que peut nous envoyer notre corps. En identifiant les comportements qui peuvent être problématiques, nous pouvons améliorer nos relations, notre santé ou même notre travail.

L’auto-critique peut être formulée de manière assez générale en remettant en cause la valeur globale de la personne. Je peux ainsi fréquemment entendre des personnes dirent : « je suis nul, bon à rien, je ne vais pas réussir, je n’apporte rien à personne », etc. Je suis souvent touchée lorsque j’entends des personnes parler d’elle de cette façon et leur dialogue intérieur peut devenir vraiment envahissant dans leur quotidien.

D’où vient l’autocritique?

La littérature scientifique met en évidence que la tendance à s’autocritiquer peut être, entre autre, liée au contexte familial dans lequel nous avons grandit. Christophe André (2006) distingue trois formes de discours que des parents peuvent avoir envers leur enfant et qui est susceptible d’exacerber une tendance à l’auto-critique. Un discours mettant l’accent sur beaucoup d’interdits et qui a tendance à limiter l’enfant dans sa capacité d’agir, une tendance des parents à se critiquer eux-mêmes et un discours qui accorde une place centrale à l’autocritique dans un but de progresser. Il est évident que d’autres figures peuvent également participer à rendre une personne plus auto-critique comme des professeurs, amis, conjoint ou supérieurs. Bien que nous ne savons pas changer des évènements de vie passés, il est fort heureusement toujours possible de modifier certaines croyances ou schémas en lien avec ces évènements. Dans le cas contraire, les psychologues seraient plus limités dans leur métier!

J’ai déjà constaté dans ma consultation que les personnes peuvent avoir difficile d’être satisfaite pour certains accomplissements jugés minimes ou « normaux ». Je remarque alors qu’il peut y avoir une crainte de tomber dans l’excès si nous valorisons une réalisation personnelle. C’est un peu comme si certaines personnes préfèrent l’image liée à l’auto-critique plutôt que l’image qu’elle pourrait renvoyer en étant satisfaite d’elle-même.

Auto-critique constructive vs négative : Quelles différences?

Différentes études scientifiques ont mis en évidence le lien étroit qu’il existe entre l’auto-critique et différents troubles comme la dépression et différents troubles anxieux. Je peux moi-même faire cette observation dans les personnes que je rencontre dans ma consultation. Toutefois, même s’il n’est pas agréable de se critiquer soi-même, cela peut avoir des avantages. C’est en nous remettant en question sur différents aspects que nous pouvons évoluer. En effet, lorsque nous estimons que nous n’avons pas été suffisamment adéquat dans un contexte que nous pouvons nous centrer à faire mieux la prochaine fois.

Des auteurs ont fait la distinction entre l’auto-critique interne et ouverte. L’auto-critique interne concerne celle que nous avons par le discours que l’on peut avoir avec soi-même. L’auto-critique ouverte fait référence à la critique que nous formulons à notre égard face à d’autres personnes. Cette dernière peut susciter de la compassion et du réconfort.

Comment l’auto-critique influence l’estime de soi?

Aborder le concept de l’auto-critique nécessite d’aborder également les notions d’estime de soi et de perfectionnisme qui y sont étroitement liées. L’estime de soi peut être définit par la valeur que l’on s’accorde en tant que personne notamment par la vision que l’on a de soi-même, l’amour de soi et la confiance en soi. Ces trois éléments constituent le regard et le jugement que l’on pose sur soi. Ainsi, l’autocritique va alimenter et exacerber une basse estime de soi.

Le perfectionnisme peut se définir comme la tendance à vouloir atteindre la perfection dans une tâche donnée et se montrer particulièrement exigeant avec soi-même. Les personnes perfectionnistes portent naturellement une attention sur des détails que d’autres ne voient pas, ont des attentes élevées vis-à-vis d’elles-mêmes et sont assez méticuleuses. Les perfectionnistes peuvent être envahies par le doute et peuvent avoir des difficultés de confiance en soi dans certaines situations. Etant particulièrement exigeantes avec elle-même, les personnes perfectionnistes sont plus vulnérables à l’auto-critique. Il semble que c’est davantage l’auto-critique et non pas la tendance à se fixer des objectifs élevés qui représente les principales difficultés des perfectionnistes.

En résumé, l’estime de soi représente plus l’image négative globale que l’on peut avoir de soi, le perfectionnisme concerne plutôt la tendance à se fixer des attentes de performances élevées et l’auto-critique est le discours intérieur que l’on a vis-à-vis de soi-même.

Comment faire de l’auto-critique une ressource?

On minimise l’impact des mots que l’on se dit à soi-même sur nos émotions. Or, nous sommes nombreux à employer un discours peu élogieux nous concernant. Tout d’abord, il est nécessaire d’identifier ce discours et les pensées négatives récurrentes que vous pouvez avoir à votre égard. Vous savez, il nous est déjà tous arrivé de nous répéter des phrases du type « comme je suis bête », « j’y arriverai pas », ou « à quoi bon, je n’ai jamais de chance de toute façon ». L’idée est de modifier ces pensées en les rendant plus spécifiques, concrètes, moins généralistes et ainsi les rendre plus justes, plus proches de la réalité.

Techniques pour cultiver une auto-critique saine et productive

Comment je vous le disais, il est d’abord nécessaire de pouvoir identifier les pensées que vous pouvez avoir dans une situation avant de pouvoir travailler à les rendre plus concrètes et spécifiques. Pour ce faire, voici un exercice que je propose souvent lors d’une thérapie cognitivo-comportementale. Il s’agit de noter les situations qui ont été difficiles à surmonter et à gérer.

situation (contexte)pensées (ce qui me traverse l’esprit) émotions (ce que je ressens)comportements (comment je réagis et ce que l’on peut observer)
Je fais ma présentation orale devant mes professeursJe ne vais pas y arriver. De toute façon, je n’ai pas souvent de chance. Et si j’oublie ce que je dois dire, je vais probablement échouer et devoir recommencer.peur, anxiété, honteJe cherche mes mots et j’ai difficile de m’exprimer clairement. Je ne parviens pas à répondre correctement aux questions.
Analyse fonctionnelle en thérapie cognitivo-comportementale

Une technique qui peut aider est de laisser revenir en mémoire des situations passées où cette personne a réussit. Si nous suivons l’exemple ci-dessus, nous pouvons raisonnablement penser que cette personne a dû réussir précédemment sinon elle ne serait pas en dernière année à faire cette présentation. Il y a probablement eu d’autres réussites dont elle peut prendre conscience. Cette méthode peut être parfois compliquée d’une part parce que les souvenirs positifs ne sont pas toujours accessibles en mémoire, et d’autre part, parce que la personne peut minimer ses réussites. Néanmoins, cela vaut la peine de tester cette méthode.

Une autre méthode qui peut aider est à pouvoir prendre des distances avec ses pensées afin qu’elle ne nous touche plus ou qu’elles touchent moins. Elles ont ainsi moins d’impact émotionnel. J’ai présenté une astuce qui permet d’y arriver à la fin d’un autre article que vous pouvez trouver en cliquant ici.

Construire des fondations d’auto-compassion et d’estime de soi

Comme nous l’avons vu, l’auto-critique peut être utile lorsqu’elle est utilisée avec parcimonie afin d’identifier des points sur lesquels nous pourrions nous améliorer. Toutefois, lorsque les pensées auto-critique sont généralistes, comme c’est bien souvent le cas, l’auto-critique fragilise et n’est plus utile.

L’auto-compassion désigne la capacité que nous avons de nous traiter avec autant de bienveillance que l’on accorderait à un ami proche. L’auto-compassion est un concept psychologique qui va permettre de pouvoir s’accorder de la douceur et de la bienveillance. Cela est bien évidemment très utile et appréciable en particulier lorsque les pensées auto-critiques font surfaces. L’auto-compassion est l’ingrédient légèrement sucré et doux qui va atténuer l’amertume que peut prendre l’auto-critique généraliste.

Lorsque nous parvenons à développer l’auto-compassion, nous pouvons également améliorer son estime personnelle. En effet, lorsque nous prenons soin d’un de nos proche, celui-ci peut se sentir valorisé et avoir l’impression d’avoir de la valeur. Il en va de même pour nous! Autant dire que nous avons beaucoup à gagner à cultiver cette bienveillance envers soi-même. Lorsque nous prenons soin de nous-même, nous envoyons le message à notre cerveau que nous avons de la valeur puisque nous faisons ce qui est bon pour nous.

Conclusion

L’auto-critique peut vraiment nuire à l’épanouissement dans le quotidien surtout si elle est omniprésente dans l’esprit. Toutefois, elle permet aussi de pouvoir s’améliorer dans différents domaines. Le tout est de pouvoir l’utiliser avec modération. La bienveillance vis-à-vis de soi-même est l’ingrédient qui va permettre de modérer l’auto-critique et la transformer en ressource nous permettant d’évoluer.

L’auto-compassion est une thématique que je développe de plus en plus dans ma pratique clinique et que je souhaite également développer dans mon blog. Si vous êtes intéressés par cette thématique, je vous recommande le livre de Kristin Neff « S’aimer » qui est une petite pépite et peut vous aider à développer davantage de paix et de douceur avec vous-même.

Je vous invite à me laisser en commentaire votre expérience avec l’auto-critique. Je serai ravie de pouvoir échanger avec vous sur cette thématique.

Références bibliographiques

  • Almgren-Doré, I. (2021). Développement d’un entrainement implicite d’auto-compassion pour les individus auto-critiques. Thèse de doctorat. Université du Québec (Montréal)
  • Basco. M.R. (2009). Ces gens qui sont perfectionnistes. Peuvent-ils être heureux?. Les Editions de l’Homme
  • Gheysen, F., Paucsik, M. & Delamillieure, P. (2022). La thérapie fondée sur l’auto-compassion. Principes et applications cliniques. Elsevier Masson
  • Maillard, P. & Kramer, U. (2015). « Je ne vaux rien » et autres formes d’auto-critique : états des lieux et interventions thérapeutiques. Revue de santé mentale du Québec, 40 (1), p. 251-265
  • Neff, K. (2011). S’aimer. Comment se réconcilier avec soi-même. Belfond
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One comment on “Comment transformer l’auto-critique en force?

  1. Très chouette article qui aide à mieux comprendre ce qu’est l’auto-critique et comment y faire face 😉

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