Puisque je n’ai pas uniquement la casquette d’hypnothérapeute, les personnes que j’accompagne ne viennent pas d’emblée me consulter pour cette approche. Ainsi, lorsque j’estime que l’hypnose peut leur être utile, je la propose et je suis souvent surprise de leur réaction. Les personnes semblent avoir une idée assez particulière de l’hypnose, probablement celle que nous voyons dans les spectacles où l’on amène les participants à être sous le contrôle de l’hypnothérapeute en perdant toute maîtrise du processus. Nous sommes évidemment bien loin de la réalité que l’on retrouve en thérapie.
Qu’est-ce que l’hypnose en réalité?
L‘état d’hypnose est un état naturel que nous expérimentons au quotidien et dans diverses situations. Quand notre esprit part dans la lune, lorsque nous sommes en mode pilote automatique notamment en conduisant ou encore lorsque nous sommes absorbés par une activité, nous perdons la perception de l’espace et du temps. Dans ces situations courantes de la vie quotidienne, nous pouvons dire que nous sommes dans un état modifié de conscience.
Ce qui est fascinant avec le fonctionnement de notre cerveau est qu’il ne fait pas la distinction entre ce qu’il imagine et ce qu’il vit réellement. Ainsi, par exemple, si nous imaginons que nous sommes à la plage au soleil et que nous parvenons à nous imprégner de cette visualisation, notre cerveau va croire que nous vivons réellement l’expérience. Notre corps va alors réagir sur le plan physiologique comme si nous vivions l’expérience dans la réalité. Pour mieux comprendre ce phénomène, je peux prendre l’exemple d’une personne ayant vécu un accident de voiture. Même si le danger n’est plus présent, la personne peut ressentir du stress dans son corps comme si elle revivait l’accident alors qu’elle se trouve chez elle et qu’elle pense à l’accident. Le corps revit l’expérience car le cerveau croit revivre lui aussi l’accident.
Je me suis formée d’abord à l’hypnose conversationnelle avec Bérangère Lhomme et ensuite aux techniques d’activation de la conscience avec HypnoTac que je vais exposer ci-dessous.
L’hypnose conversationnelle
L’hypnose conversationnelle est bien loin de l’image de l’hypnose « de spectacle » où l’hypnotiseur détient le pouvoir de manipuler la personne. Nous sommes également éloignés de l’hypnose classique où la personne est le plus souvent allongée et semi-inconsciente ou « endormie ». L’hypnose conversationnelle est une forme d’hypnose active où la personne parle, bouge et participe à la séance. Elle prend conscience qu’elle garde un certain contrôle et est invitée durant la séance à accepter ou refuser les suggestions du thérapeute.
Comme je l’ai évoqué ci-dessus, notre cerveau ne fait pas la différence entre le réel et l’imaginaire. Vous allez peut-être vous demander pour quelles raisons ne pensons-nous pas plus souvent et spontanément à des souvenirs positifs au lieu d’avoir tendance à ressasser des souvenirs douloureux.
Cette tendance plutôt naturelle nous vient de nos ancêtres où le danger était omniprésent. En effet, les hommes préhistoriques étaient soumis à des menaces au quotidien et mettre son attention sur le danger a permis à notre espèce de survivre. Notre monde a beaucoup évolué, fort heureusement, mais notre cerveau a conservé ce réflexe. Je vous invite à vous observer la prochaine fois que vous entendrez un fait d’actualité tragique afin de voir où se dirige spontanément votre attention.
Nous sommes tous très doués pour faire de « l’hypnose négative ». En effet, quand nous pensons à un scénario catastrophe, ce ne sont que des pensées. Puisque le cerveau y croit, le corps réagit comme si c’était réel. Nous pouvons alors ressentir les réactions du corps comme par exemple des brûlures d’estomac, de la tachycardie, des nausées, des crampes intestinales, etc.
Les personnes qui viennent me voir m’exposent leurs difficultés et les traumatismes qu’elles ont vécus. Il est nécessaire de pouvoir en parler afin d’extérioriser les émotions qui y sont associées. Aborder des souvenirs heureux est également important, d’une part, parce que nous en apprenons davantage sur la personne, et d’autre part, parce qu’elle prend conscience de ce qu’elle ressent lorsqu’elle « revit » un souvenir heureux.
Quand les émotions désagréables sont envahissantes, il devient plus difficile de se remémorer de beaux souvenirs. Par ailleurs, puisque notre attention est d’emblée plus attirée par les aspects négatifs d’une situation, nous pouvons avoir davantage de difficulté à nous remémorer nos souvenirs heureux. Ce n’est pas parce que ces souvenirs ne sont pas accessibles dans le champs de la conscience que cela signifie qu’ils n’existent pas. Cela veut juste dire qu’ils ne sont pas disponibles à ce moment-là. C’est un peu comme si nos souvenirs étaient classés et rangés dans les tiroirs d’une immense étagère. Il y a des tiroirs qui restent ouverts constamment, d’autres qui sont fermés et certains sont verrouillés.
En quoi consiste concrètement une séance d’hypnose conversationnelle?
La dissociation est un processus psychologique que le cerveau met en place pour se protéger lors d’un traumatisme. Il s’agit d’un mécanisme de défense où la personne va se couper de ses émotions afin d’éviter de ressentir les sensations liées au traumatisme. Pour pouvoir se protéger, la personne va se déconnecter de la réalité. Elle peut être anesthésiée physiquement (elle ne ressent plus la douleur), ou anesthésiée émotionnellement (elle se coupe de ses émotions), avoir la sensation d’être spectatrice de ce qui lui arrive, ou encore avoir le sentiment d’être quelqu’un d’autre qui vit la situation traumatique.
Ces protections dissociatives, qui permettent de survivre psychologiquement au moment du traumatisme, vont par la suite devenir les symptômes qui amènent les personnes à consulter. Lors d’une séance d’hypnose conversationnelle, nous allons entraîner le cerveau à ce que l’on appelle les phénomènes hypnotiques. C’est par exemple la capacité à pouvoir percevoir une situation en imaginant être un géant, en volant de manière à voir la situation avec de la hauteur et en ayant la sensation que c’est arrivé à quelqu’un d’autre. Nous entraînons le cerveau à ces phénomènes hypnotiques par l’induction d’un bon moment.
Pour visualiser ce bon moment, j’invite les personnes à prendre le temps de voir les couleurs, les personnes présentes dans ce bon moment, le décor, la nature éventuellement présente. J’invite également la personne à entendre les sons comme par exemple, le chant des oiseaux, le bruit des vagues, le rire des enfants, le silence, le bruit du vent. Je propose aussi de sentir la chaleur du soleil, la fraicheur de l’eau ou encore la texture du sable sous ses pieds. Je suggère également de sentir l’odeur de la mer, des arbres ou toute autre odeur particulière. Enfin, je l’invite à goûter le sel de la mer sur ses lèvres. L’objectif est que la personne puisse ressentir les émotions et les sensations corporelles agréables comme si elle vivait réellement son bon moment. Une fois que la personne se trouve dans son bon moment, je lui suggère de se voir devenir géante, de voler comme un oiseau et se percevoir dans la situation comme si elle est quelqu’un d’autre.
Une fois le travail hypnotique réalisé autour d’un bon moment, nous pouvons travailler sur une situation traumatique. Il est étonnant de savoir que c’est l’enregistrement du traumatisme dans la mémoire qui va être plus problématique que le traumatisme lui-même. Ainsi, nous allons essayer d’aller modifier cet enregistrement pour que le trauma ait moins d’impact émotionnel lorsque la personne s’en remémorera.
Je vous invite à essayer de visualiser un de vos bon moment en mettant votre attention sur ce que vous voyez, entendez, sentez et goûtez dans ce bon moment. Vous pouvez essayer d’être à nouveau en contact avec les émotions et sensations agréables que vous avez ressenties à ce moment-là. Si vous essayez et que vous n’y parvenez pas, soyez indulgent avec vous. Comme je l’ai évoqué ci-dessus, notre cerveau n’est pas drillé pour faire ce genre d’exercice et il peut avoir besoin d’un peu d’entraînement pour y arriver, un peu comme un muscle a besoin d’exercice pour devenir musclé.
Les techniques d’activation de la conscience (TAC)
Après ma formation en hypnose conversationnelle, je me suis formée à cette approche relativement récente de l’hypnose, les techniques d’activation de la conscience. L’hypnose est souvent assimilée à un état de somnolence où la personne est « manipulée » par une tierce personne. Nous pensions auparavant que plus une personne était inconsciente, plus elle avait été réceptive à l’hypnose. C’est d’ailleurs ce qui conduit beaucoup de personnes que j’accompagne à me dire qu’elles ne seront probablement « pas réceptives » à l’hypnose et qu’elles parviennent difficilement à lâcher prise. Je réponds alors que l’état modifié de conscience est un état naturel auquel nous avons tous accès même si l’on peut croire le contraire.
Ce que nous disent les neurosciences
De nos jours, les études en neurosciences établissent désormais que lorsqu’on se remémore quelque chose sous hypnose, c’est la zone du cerveau liée à la conscience qui est stimulée, et non celle associée au souvenir lui-même. Cela explique pourquoi une personne sous hypnose est convaincue d’expérimenter le souvenir dans le présent, car le cerveau interprète les sensations et émotions correspondantes comme étant actuelles et réelles. Ces sensations permettent alors au cerveau d’activer de nouvelles zones et de créer un environnement propice au changement.
Les progrès en imagerie médicale ont révélé l’existence du connectome, un réseau complexe dans notre cerveau composé de connexions neuronales. Ces connexions forment une sorte de grand réseau électrique qui relie les différentes parties du cerveau, même les plus éloignées, permettant ainsi l’échange d’informations. Sur ces « fils » du réseau cérébral, il y a des cellules spéciales appelées cellules gliales qui aident à contrôler le flux d’informations d’une zone du cerveau à une autre. L’objectif des techniques d’activation de la conscience (TAC) est de stimuler ce réseau de connexions de manière ciblée et thérapeutique, pour aider le cerveau à se transformer et se soigner. Ainsi, ces découvertes nous amènent à prendre conscience, que pour qu’il y ait un changement et que l’hypnose soit efficace, le patient doit entendre ce que nous lui disons, peut bouger, pleurer et manifester d’autres émotions.
Ces manifestations sont les signes d’activation de son connectome. Lorsqu’une personne vient nous consulter, elle n’y voit plus clair comme si elle se trouvait dans l’obscurité et ne sait donc plus la direction à prendre. Le travail que nous réalisons avec les TAC permettent d’allumer des lampes ce qui aide la personne à voir son chemin et ainsi avancer de manière plus aisée. Une séance TAC va aider la personne à aller réactiver ses ressources et compétences existantes qui sont « endormies » et qui vont leur permettre de résoudre leurs difficultés.
Comment se déroule une séance TAC?
Lors d’une séance TAC, je demande à la personne de me décrire son inconfort à ce moment-là donc son problème. Je l’invite également à déterminer quel est son objectif dans l’idéal concernant cet inconfort. Le patient souhaite bien évidemment la réduction de cet inconfort. Je lui propose ensuite de donner une représentation imagée de son inconfort et de son objectif. C’est un travail thérapeutique intéressant d’amener le patient à fournir une description imagée de son problème et de sa résolution. Je demande au patient quelles sont ses ressources, ce qu’il fait et qui lui apporte du bien-être ainsi que son domaine d’expertise, domaine dans lequel on peut dire qu’il est doué. Ce sont tous ces éléments qui seront utilisés dans la séance d’hypnose.
La particularité de cette technique est que nous demandons au patient de se mettre dans une position qui n’est pas d’emblée confortable en étant sur le bord de la chaise ou du fauteuil. Nous l’invitons à se centrer sur son inconfort et à partir de cette sensation d’inconfort, nous lui proposons de laisser émerger un souvenir où il a appris quelque chose. Ensuite, nous amenons le patient à revivre ce moment en proposant des suggestions, des métaphores qui sont un peu comme des graines que nous semons. Certaines vont prendre, d’autres non, celles qui germent peuvent amener la personne à y voir plus clair sur son chemin et avoir ainsi des prises de conscience. Ce sont ces graines qui vont permettre d’aider la personne à activer ses propres ressources et compétences telle une lampe qui se rallume.
Ce qui est très intéressant dans cette approche est que le patient passe d’un inconfort physique de par la position dans laquelle il se trouve durant la séance à davantage de confort. En effet, nous lui demandons de modifier sa posture durant la session de sorte qu’il ressente davantage de confort. Nous envoyons alors une puissante suggestion à son cerveau, que même s’il ressent un inconfort, qui peut être assimilé à une souffrance psychologique, il est possible de tendre vers davantage de confort. Nous l’amenons ainsi à prendre conscience que tout évolue, se modifie de même que les arbres bourgeonnent, fleurissent et qu’après la pluie vient le beau temps.
Je vous invite à me partager vos expériences en commentaires si vous avez déjà testé, utilisé ces approches ou que vous avez déjà connu une expérience avec cet outil puissant qu’est l’hypnose.
Références bibliographiques
- Becchio, J. (2021). Du nouveau dans l’hypnose. Paris : Odile Jacob.
- Dehaene, S. (2014). Le code de la conscience. Paris : Odile Jacob.
- L’homme, B. (2022). Apprentissage et utilisation pratique de l’hypnose conversationnelle (syllabus de cours).
- Schutz, S. & Materne, P. (2023). Initiation aux T.A.C. (syllabus de cours).